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Chroniques
Serpentes ignei in deserto | Les serpents de feu dans le désert
oratorio de Johann Adolf Hasse
Épisode biblique que la musique a rarement suffisamment considéré pour imaginer l'illustrer, l'apparition des Serpents de feu dans le désert a cependant inspiré à Johan Adolf Hasse un vaste oratorio qu'il destina à ses élèves de l'Ospedale delle Mendicati de Venise, à la fin des années 1730. On saluera l'initiative de Jérôme Correas, à la tête de son ensemble Les Paladins, car enfin, qu'attend-on pour explorer l'œuvre de ce compositeur qui, comme Porpora, fait le lien entre Händel et la période classique ? Mise à part la résurrection de la sérénade Marc'Antonio e Cleopatra par René Jacobs à La Monnaie de Bruxelles, il y a deux ans, le catalogue prend copieusement la poussière…
Né dans une famille de musicien à la veille du XVIIIe siècle, Hasse commence d'abord une carrière de chanteur et très vite fait représenter à Brunswick un premier opéra, Antioco. L'année suivante, suivant l'exemple de son aîné Händel, il part pour l'Italie, étudie auprès de Scarlatti, livrant pour Rome, Venise, Turin et principalement Naples où il séjourne, rien moins qu'une quinzaine d'ouvrages lyriques en huit ans. Sa musique convainc la Saxe en 1731 avec la création à Dresde de sa Cleofide qui lui vaudra d'être nommé Maître de Chapelle à la cour, poste qu'il assume de 1733 à 1762, tout en continuant d'écrire pour l'opéra, faisant jouer plus de quarante œuvres à Bologne, Hubertsbourg, Londres, Naples, Pesaro, Varsovie, Venise, Vienne, dont une quinzaine seulement à Dresde. Le successeur de Frédéric Auguste II de Saxe, soucieux de limiter les dépenses de la cour, démit le compositeur de sa charge en 1762, date de son installation à Vienne où il vivra encore vingt-et-un ans qui lui permettront de produire six nouveaux opéras donnés sur place, mais aussi à Innsbruck ou à Milan.
À l'écoute des Serpents de feu dans le désert, on comprend l'admiration de ses contemporains, l'estime future de Mozart et la crainte de Händel lorsque Hasse rejoint momentanément Porpora à Londres. Jérôme Correas en conduit une lecture plutôt vive qui accuse dramatiquement les contrastes tout en soignant les équilibres, et où sans mal s'intègrent les voix. Si l'on n'est pas toujours convaincu par la prestation de Stéphanie d'Oustrac, offrant sans conteste les avantages d'un timbre riche et d'une puissance impressionnante mais un surjeu constant que peu de nuances viennent pondérer, le plateau vocal s'avère d'une grande efficacité. Isabelle Poulenard est un Josué attachant au chant agile et à la couleur égale, tandis que Robert Expert présente un Eléazar tout à fait honorable.
L'habileté et la clarté idéale servent l'Ange judicieusement distribué à Valérie Gabail, entendue en ouverture de programme dans une interprétation lumineuse et virtuose du motet Alta nubes illustrata. Enfin, le rôle de Moïse bénéficie de la voix chaudement colorée et de l'approche talentueuse du contralto Annette Markert qui use intelligemment de l'expérience des œuvres de Bach et Händel que sa carrière a beaucoup fréquentées. Avec des phrases toujours excellemment menées, une présence au texte d'une sensibilité exemplaire, l'artiste donne au personnage principal toute sa dimension.
Le public parisien pourra découvrir cet oratorio sacré le 14 octobre (concert gratuit dans la limite des places disponibles) à la maison ronde.
BB